Turquie-Egypte, pourquoi en est-on arrivé là ? Analyse de la politique étrangère turque

25 novembre 2013

Turquie-Egypte, pourquoi en est-on arrivé là ? Analyse de la politique étrangère turque

Aujourd’hui on assiste à une tension dans les relations turco-égyptiennes depuis que Mohamed Morsi n’est plus à la tête du pays, disons les relations diplomatiques. Recep Tahip Erdogan, premier ministre turc, issu du parti conservateur de l’AKP (Parti pour la justice et le développement), avait ouvertement soutenu la venue au pouvoir de Morsi et des Frères musulmans. Il a critiqué sévèrement les militaires quand ces derniers l’ont déposé et ont envoyé les policiers et militaires mater les partisans de l’ex-premier président démocratiquement élu. Je ne veux pas entrer dans le débat qui est pour ou contre Morsi, Il y a un autre problème plus grave, la Turquie après la fin de l’Empire ottoman et surtout à partir de la Seconde Guerre mondiale est restée assez neutre en matière de politique étrangère. En devenant membre de l’OTAN celle-ci s’est rapprochée des pays occidentaux, surtout des Etats-Unis. La Turquie dispose de bases militaires de l’OTAN sur son territoire, bases militaires qui ont été utilisées lors de la guerre en Irak.

La politique du ministre des Affaires étrangères Ahmet Davutoglu est la suivante « zéro problème avec les pays voisins », mais voilà depuis le « printemps arabe » cette politique n’est plus la même. Le parti conservateur de l’AKP soutient ouvertement les partis conservateurs, et plus généralement, il s’est rapproché davantage des pays de confession sunnite ou ayant à leur tête des chefs d’Etat de cette confession. Pour l’Egypte, Recep Tajjip Erdogan a soutenu la venue au pouvoir des Frères musulmans avec Mohammed Morsi, quand celui-ci a été renversé, Erdogan a critiqué ouvertement les militaires. Dernièrement, il a ajouté  : « Je ne respecterai jamais ceux qui sont arrivés au pouvoir par un coup d’Etat ». Ces déclarations ont eu pour effet de renvoyer l’ambassadeur turc du Caire, le gouvernement égyptien ne tolérant plus l’ingérence turque dans les affaires intérieures et affirmant qu’Ankara soutient des groupes terroristes.

Erdogan avait également vivement critiqué la répression survenue à la place Rabia al-Adawiyya, le signe des 4 doigts ayant été adopté par les membres du gouvernement, et surtout par ceux qui soutiennent Morsi. Les critiques que l’on pourrait faire à Edogan sont nombreuses :

Premièrement, la Turquie est un pays relativement stable de la région, si l’on ne compte pas la guerre interne entre le gouvernement turc et le PKK ( Parti des travailleurs du Kurdistan). Cette question va être sûrement résolue dans les prochaines années à venir étant donné qu’un processus de paix est en marche. Depuis deux ans on a plus aucun mort des deux côtés. La Turquie est un pays également stable parce qu’elle n’est pas minée par des groupuscules extrémistes de mouvance islamiste qui fleurissent dans quasiment tous les pays de la région.

L’autre critique que l’on peut faire à Erdogan, c’est quand celui-ci dénonce la répression contre les manifestants à la place Rabia, alors que son gouvernement a fait de même  contre sa propre jeunesse lors du mouvement Gezi. Que d’hypocrisie ! Rappelons que huit jeunes ont été tués, notamment par des tirs policiers lors de ces manifestations et des milliers de personnes ont été blessées et des milliers arrêtées et emprisonnées. Bien sûr que nous devons dénoncer toutes les formes d’injustices et de traitements inhumains qui ont lieu. C’est également le devoir des chefs d’Etat, quand des manifestations démocratiques sont réprimées de manière sanglante, Mais quand un gouvernement comme celui de l’AKP a les mains tachées de sang, celui-ci ferait mieux de la fermer quand il s’agit de critiquer d’autres pays qui font de même.

L’AKP est en train de miner sa politique de « zéro problème avec les pays voisins », bientôt ça sera « zéro voisin ». Le cas syrien montre la prise de position dangereuse que prend le gouvernement turc, et le risque qu’il fait peser sur le pays, notamment aux frontières.  Erdogan soutient et finance ouvertement des groupes extrémistes allant combattre contre le régime de Bachar-Assad, les portes de la frontière turque leurs sont ouvertes. Ces mêmes groupes sont à l’origine d’un attentat ayant lieu à Reyhanli au mois de mai dernier qui a fait de nombreuses victimes, notre cher premier ministre ne s’est rendu sur place pratiquement qu’un mois après cet attentat !! Si cela avait eu lieu dans un autre pays, le premier ministre se serait immédiatement rendu sur place, annulant tous ses déplacements à l’étranger, mais vu comment Erdogan s’est comporté dans cette affaire, on voit à quel point il se fout du sort de sa propre population.

Qu’un gouvernement vienne au pouvoir suite à des élections libres ou suite à un coup d’Etat militaire, aucun de ces régimes ne peut justifier qu’il y est des morts et des blessés graves, ou encore que des milliers de personnes soient arrêtées et emprisonnées pour leurs idées politiques. Aucun ne mérite le respect et aucun ne mérite de continuer à représentait son peuple. Que les manifestants soient des conservateurs ou des laïcs, cela ne change rien aux faits. Vous l’avez peut-être compris, la politique intérieure et extérieure de la Turquie est désastreuse. Si le gouvernement de l’AKP continue comme cela, le pays ira droit dans le mur et perdra l’influence qu’il avait dans la région.

 

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